L’épouvantable peur d’Epiphanie Frayeur, Séverine Gauthier, Clément Lefèvre, Soleil

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L’épouvantable peur d’Epiphanie Frayeur, le dernier petit bijou de chez Métamorphose

Ceux qui suivent ce blog connaissent le respect que j’éprouve pour Séverine Gauthier, scénariste hors pair pour produire des histoires susceptibles de toucher enfants comme adultes, avec des univers graphiques très fort.
La voir signer un ouvrage au sein de la collection Métamorphose, chez Soleil, au contenu toujours très soigné, laissait présager du meilleur. Et pour être honnête, c’est encore meilleur, que meilleur.

Pour ceux qui ont peur de leur ombre, parce que leur ombre est réellement effrayante

Epiphanie Frayeur a huit ans. Elle a bien grandi, c’est certain, mais sa peur plus encore. Et Epiphanie a peur de son ombre, qu’elle ne parvient pas à empêcher de lui nuire. Alors pour essayer de régler le problème, Epiphanie tente de retrouver le Dr Psyche. Mais le Docteur vit au fond d’une profonde forêt et il faudra un guide pour permettre à Epiphanie de le retrouver. Un guide sérieux, cela s’entend.

Le travail d’orfèvre de Séverine Gauthier

Comment vous dire la claque que j’ai prise avec cet album? Je connais un peu Séverine Gauthier, je connais ses qualités d’écriture, mais il est manifeste que là, elle a hissé son niveau de jeu bien plus haut que ce qu’elle a pu produire jusque là. C’est bien simple, je pense que sous ses apparences enfantines et mignonnes, cette histoire va demander plusieurs lectures pour pouvoir être complètement appréhendée. Mais attention, ce n’est pas que l’histoire est complexe, elle est au contraire finalement assez simple: une petite fille cherche à surmonter sa peur. On ne peut plus simple. Mais la scénariste glisse tellement d’éléments de symbolique, de conceptualisation, que le scénario en prend une densité et une profondeur juste impressionnante. Chaque dialogue semble ciselé de sorte à avoir deux ou trois niveaux de lecture. Chaque personnage introduit est à la fois un acteur et un symbole. Dit autrement, ce scénario, c’est de la Haute Couture. Du Christian Dior, du Saint-Laurent, choisissez votre créateur préféré. On sent la masse de travail que ce scénario a demandé, et en même temps, sitôt entré dans l’histoire, on ne regarde plus du tout cet aspect. On est happé dans le monde d’Epiphanie Frayeur que l’on essaye de décrypter tout en vivant le voyage de la petite fille au premier rang.
L’épouvantable peur d’Epiphanie Frayeur est un album qui fait penser. Qui nous oblige à nous replonger en nous-même, à faire face à nos propres peurs, à chercher ces personnes qui nous ont fait grandir, qui nous ont apporté cette sécurité affective qui nous a permis de prendre notre autonomie. De grandir, tout simplement.

Plus j’écris, et plus je pense. Pourtant, l’album est fermé, à côté de moi. Mais je pense. A mon petit garçon, pas si éloigné en âge d’Epiphanie. Je pense à ses peurs, à la façon dont nous parents, tentons de l’aider à les surmonter. Comment nous nous réjouissons quand il semble que nous avons réussi. Quand nous nous disons « qu’est-ce qu’il a grandi ». Et les larmes me montent aux yeux.

Si le silence, après une oeuvre de Mozart, c’est encore du Mozart, alors nos pensées, après l’épouvantable peur d’Epiphanie Frayeur, c’est encore du Séverine Gauthier.
Je pourrai chercher à décrypter l’ensemble des détails symboliques apportés, je n’en ferai rien. A vous de venir faire ce voyage à votre tour. A vous de laisser votre cœur, votre esprit, s’imprégner des mots de la scénariste, de son histoire. Et surtout, n’oubliez pas de vous écouter ensuite. C’est sans doute une des morales de cette histoire.

Clément Lefèvre? Un film d’animation s’il vous plaît!

Je n’avais encore rien lu de Clément Lefèvre, avant cet album, mais les dessins qui ne tardèrent pas à filtrer pendant la production de l’album ne laissèrent guère de doute, on allait avoir du bon.
Et je m’en voudrai de me répéter, mais c’est du très bon qu’on a eu finalement.
Premier gros point fort , le découpage, la narration. Un point essentiel en bande dessinée, dont on a toujours du mal à juger qui du scénariste ou du dessinateur en est à l’origine. Dans le cas présent, je pense ne pas me tromper en disant que Clément Lefèvre a du exercer une très grosse influence sur le découpage, tant celui-ci colle à son dessin. Il y a une très grosse part de jeu graphique qui doit sans doute être de son fait. Pleines pages, gaufriers à douze cases, cases uniques avec les personnages se déplaçant à l’intérieur, il est vraiment fait feu de tout bois pour suivre la virtuosité du scénario et des dialogues.
Et puis il y a le dessin lui-même, parfois grotesque dans ses représentations, toujours d’une incroyable finesse. On est parfaitement dans la bande dessinée, la narration est là pour le prouver, mais on est presque dans l’illustration. Chaque case est un petit bijou, chaque case nous porte dans le récit en nous invitant à le poursuivre. Et puis il y a la mise en couleur… Chaque page explose aussi grace aux incroyables lumières de Clément Lefèvre.
Pour tout dire, l’alliance narration/ dessin est tellement poussée, tellement pleine de sens, que j’ai eu l’impression qu’on m’offrait un film d’animation. D’ailleurs, il faut qu’un producteur fasse un film de cet album. Il y a tout ce qu’il faut pour. Pour ma part, j’ai passé toute ma lecture avec la petite Tifany de Tomi Ungerer en tête… Version animée, bien sûr. Cet album a tout ce qu’il faut pour faire un meilleur film encore que les trois brigands.

Je crois, pour finir, que vous aurez compris pourquoi l’épouvantable peur d’Epiphanie Frayeur va faire partie de mes coups de cœur de cette année 2016. Pourquoi c’est, objectivement, un très bel album. N’hésitez pas à parler de lui, à le faire connaître. Un one-shot n’a pas la possibilité de parier sur le temps, il doit se vendre rapidement, gagner de la notoriété. Si vous devez en défendre un, et un seul, celui-ci me semble proposer toutes les garanties d’exigence pour vous comme pour ceux à qui vous allez le conseiller.
Merci à Barbara Canepa et Clotilde Vu, les directrices de Métamorphose, pour avoir créé le cadre adéquat à la production d’un tel bijou.

 

ET SI ON DONNE UNE NOTE?

19/20

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5 réflexions sur “L’épouvantable peur d’Epiphanie Frayeur, Séverine Gauthier, Clément Lefèvre, Soleil

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