Parmis les très bons tomes 1 de l’année 2016, Leviathan est de retour cette année pour un nouvel opus. Cette chronique sociale en monde ravagé revient en mode plus fort, plus noir et ne devrait pas vous laisser indifférent. Luc Brunschwig et Aurélien Ducoudray chargent la barque, pour notre plus grande satisfaction.
Leviathan tome 2: quand tout pourrait aller mal, pourquoi tout irait-il bien?
Marseille a été frappée par une créature gigantesque qui s’est écrasée au plein centre-ville. Les pouvoirs publics ont tenté de maintenir le blackout sur l’information, mais les réseaux sociaux en ont eu raison. Marseille ravagée et menacée, ses habitants tentent de fuir, de survivre comme ils peuvent. Une catastrophe sanitaire est en cours et l’Etat tente de limiter les différents risques.
Et pendant ce temps, sur place, les différents acteurs impliqués tentent de faire face à ce quotidien épouvantable.
Des personnages martyrisés
Les deux scénaristes ont donc bien choisi leur angle, quand à leur approche réaliste du film-catastrophe. Quand tant de films montrent les personnages comme des héros triomphants de tout, eux semblent au contraire les mettre en échec. Ils sont petit à petit broyés par ce monde qui s’écroule autour d’eux. Ils essayent de rester acteurs, mais fondamentalement, ils subissent. Et ils prennent des coups. Edwige, l’infirmière, entre en crise de manque, terrassée par les amphétamines qu’elle prend pour tenir et soigner sans jamais s’arrêter. Le pompes-funèbres tente de préserver sa famille de l’horreur, sans parvenir à empêcher l’horreur de venir à elle. Les prisonniers du parking? Je ne préfère même pas vous décrire ce qu’ils vivent, autant que vous le découvriez par vous-même.
Il reste le personnage principal, le flic. Lui, semble avancer quelque peu… Mais il paye un prix assez élevé pour cela.
Alors est-ce trop? Pour qui a déjà lu The Grocery, de Ducoudray (l’intégrale vient de sortir, jetez vous dessus), la réponse sera non. Le scénariste est adepte des situations extrêmes. Et ce n’est pas son binôme, Luc Brunschwig qui apportera plus de positif, les amateurs de Lloyd Singer s’en souviennent.
Mais ce n’est pas grave. Oui, ce récit est difficile. Un peu à la manière d’un Empire contre-attaque, tout semble devenir plus noir. Mais d’un, les scénaristes peuvent encore faire pire au tome 3 et de deux, ils parviennent surtout à écrire avec talent sur la réalité de l’humain. Ils se posent en miroir de nos faiblesses, de nos failles. Ils nous ramènent non pas à l’état de héros mais bien à celui d’être humain. Limité par essence par le monde qui l’entoure. C’est osé pour une bd grand public, ils ont bien raison d’apporter ce point de vue rare.
Un personnage ambigüe, le pompes-funèbres
J’aimerai prendre un instant pour m’attarder sur un personnage en particulier, dont le profil m’interpelle.
Cet employé de pompes-funèbres, je le trouve extrêmement dérangeant. Dans le premier tome, il nous est apparu extrêmement bienveillant, capable d’accompagner au mieux un enfant dans la mort de sa mère. On le voyait en père de famille nombreuse et épanouie.
Mais avec ce deuxième tome, son univers se fait plus gênant. Qui est-il vraiment? Ces enfants rassemblés dans une propriété à l’écart de tout, qu’est-ce que cela veut dire vraiment? Pourquoi l’endroit semble être autant un lieu de vie que de survie? Un lieu d’autarcie? Qu’est-ce que cela cache?
Nous aurons sans doute les raisons qui seront dévoilées par la suite, mais cela montre bien toute la qualité d’écriture du duo de scénariste. Rien n’est figé, rien n’est en noir et blanc. Ils écrivent en nuance de gris.
Florent Bossard, toujours la découverte de Leviathan
Ce deuxième tome vient confirmer tout le bien que l’on pouvait penser de la prestation du dessinateur Florent Bossard sur le premier opus.
Il possède une vraie harmonie entre son trait et sa mise en couleur. Les deux se mêlent à la perfection pour proposer une ambiance très ambigüe elle aussi. A la fois colorée mais pourtant extrêmement sombre. Son utilisation des aplats d’encre est à ce titre toujours aussi impressionnant. Ils apportent une dimension écrasante, sans jamais nuire à la lisibilité des pages. Bossard gère très bien l’utilisation de cette technique. Qui, combinée à une mise en couleur lumineuse, se montre totalement porteuse de contraste et donc extrêmement cohérente avec le scénario proposé.
Le récit-catastrophe dans le réel
Avec ce deuxième tome, Leviathan confirme donc toutes les qualités pressenties dans le tome 1. On a là une très bonne série qui vient prendre à bras le corps un genre souvent irréaliste. Le réel, avec Leviathan, il vous claque la gueule bien violemment. Hollywood ne fera pas mieux.
ET SI ON DONNE UNE NOTE?
18.5/20
Série: Leviathan
Tome: 2
Titre: Quelque chose sous nos pieds
Scénaristes: Luc Brunschwig, Aurélien Ducoudray
Dessinateur: Florent Bossard
Editeur: Casterman
Date de publication: Septembre 2017
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