Betty Boob, Vero Cazot, Julie Rocheleau, Casterman

 

Avons-nous ici la meilleure bd de cette année 2017? La question se pose plus que sérieusement et je vais avoir besoin de temps pour réussir à trancher cette question. Une chose est sûre: Betty Boob est un excellent album qui mêle à la fois engagement militant, analyse sociologique et poésie. Je suis ressorti bluffé de ma lecture, impressionné par la qualité de l’ouvrage que je tenais entre mes mains. Je vous fais découvrir?

Betty Boob: la claque qui vous fait du bien!

Elisabeth vient d’être opérée d’un cancer du sein. On lui a enlevé le sein gauche. Et c’est difficile pour elle de l’accepter. Elle essaye, mais son compagnon, lui, n’y parvient pas du tout. Elle le met dehors et décide de s’en sortir par elle-même. Mais lutter contre les préjugés de la société n’est pas chose facile. Heureusement, la rencontre avec une troupe d’artistes itinérant va lui permettre de voir la vie autrement.

Si on était petite souris…

Un duo scénariste-dessinateur, c’est une alchimie complexe pour parvenir à l’illusion qu’il n’y a qu’un seul artiste derrière l’album. Rares sont les duos qui fonctionnent, qui parviennent à ce haut degré d’harmonie. Et l’on voudrait avoir été petite souris pour espionner la relation de travail entre Véro Cazot et Julie Rocheleau. C’est bien simple, je suis incapable de séparer leur travail. Il y à la fois, une histoire extrêmement intelligente, toute en métaphore, qui suppose une réflexion importante de la part de la scénariste. Mais dans le même temps, il y a une telle personnalité dans le découpage et dans le dessin, que j’ai l’impression que la dessinatrice est totalement partie prenante de l’écriture de l’histoire. C’est à chaque page évident qu’il n’y a qu’une seule autrice, Vérocazotjulierocheleau. C’est une vision tellement forte, tellement harmonieuse, qu’il ne peut en être autrement. Ce n’est pas possible, ou alors je suis de mauvaise foi et de parti pris.

Le corps de la femme dans notre société

Bon, les machos phallocrates, si par hasard vous étiez encore là, ne continuez pas la lecture, vous allez détester cet album.
Parce que Betty Boob, c’est une ode à la liberté des femmes à disposer de leur corps. C’est une gigantesque claque aux diktats de la société quand à l’apparence des femmes. C’est la glorification des corps différents, mais des corps épanouis. Des corps assumés, aussi, oserais-je dire. C’est toute la leçon de ce livre. Apprendre à s’aimer pour ce que l’on est, comme l’on est. Et refuser que d’autres nous imposent leur vision stigmatisante des choses.

Oh, il n’y a pas que les hommes, pour « imposer » cette image standardisée dans laquelle Betty ne peut plus se couler naturellement. Il y a des femmes qui en sont partie prenante et le scénario ne fait pas l’impasse sur cet aspect. La patronne de Betty, harpie obsédée par les gros seins en tee-shir moulant, vient rappeler que l’oppression peut parfaitement être intégrée par les dominées. Et dans le même temps, au sein de la troupe d’artistes, il y a un homme qui lui, se moque de la norme et qui va donc trouver Betty tout à fait séduisante avec son sein enlevé. Les hommes ne sont pas condamnés ici à être de vils salopards dominants.

C’est la force du propos de Véro Cazot. S’il est militant, il n’est jamais jugeant, jamais excluant. Et de fait, il en devient universel.

Julie Rocheleau en pleine expansion

Vous avez peut-être découvert Julie Rocheleau, comme moi, avec La fille invisible, dont elle signait déjà le dessin. En sept années et cinq album, la dessinatrice a acquis une maturité tout à fait impressionnante. Elle joue avec son découpage, crée des rythmes très différents, casse les routines et adapte l’organisation des cases pour soutenir parfaitement le récit.

Il faut dire que tout repose sur Julie Rocheleau, car cet album est muet, en dehors de quelques textes de chansons. Tout repose sur l’expressivité de son dessin, la lisibilité de sa narration. Les lecteurs réguliers savent que je ne suis guère client du procédé, mais là, je n’ai pas lâché une seconde le déroulé du récit. L’histoire se développait de manière évidente devant mes yeux.

La dessinatrice semble maîtriser parfaitement son dessin, sa mise en couleur. Il n’y a rien de raté dans son travail, tout est parfaitement en place. L’éclosion de Betty au fil des pages, c’est elle qui nous la donne à voir et à ressentir. Dès la couverture vous pouvez percevoir l’énergie que va vous transmettre le dessin.

Tout cela est brillant.

Les histoires d’amour finissent mal, mais là non

Si vous avez envie d’un livre plein d’énergie positive, pour aborder la question du cancer et plus particulièrement du cancer du sein, Betty Boop est l’ouvrage désormais INCONTOURNABLE. Pas moins. Il vous inonde d’une énergie positive de bout en bout de l’album. Même les « méchants » finissent par succomber à la dynamique Betty Boop. Ce n’est pas que du bonheur, mais à la fin, c’est tout ce qu’il vous restera.

Vous allez dire non au bonheur, vous?

ET SI ON DONNE UNE NOTE?
19/20

 

Titre: Betty Boob
Scénariste: Véro Cazot
Dessinatrice: Julie Rocheleau
Editeur: Casterman
Date de publication: Août 2017

 

 

 

5 réflexions sur “Betty Boob, Vero Cazot, Julie Rocheleau, Casterman

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