La délicatesse, par Cyril Bonin, aux éditions Futuropolis

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La délicatesse, par Cyril Bonin: de la situation « délicate » de l’adaptation en bande dessinée

Cyril Bonin est un artiste que j’aime suivre au fil de ses productions BD. La qualité de son dessin, ainsi que ses choix d’histoires, souvent romantiques, jouant avec les codes du fantastique, me parlent à chaque fois. Je ne pouvais donc pas rater l’annonce de la sortie d’un nouvel opus. Je ne lis pas de romans, je n’ai donc aucune référence en tête. Juste un pitch qui vient flatter mon côté fleur bleue et un bédéaste que j’apprécie. Mais malheureusement, pour une fois, l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous.

Reconstruire sa capacité à aimer l’autre

Nathalie et François se sont rencontrés dans la rue. Il l’a abordée, elle a répondu à son avance. Ils se sont plu, ils se sont aimés. Ils se sont mariés. Nathalie a pris un job dans une grande entreprise d’origine suédoise. François était dans la finance, où tout lui réussissait. Le plus grand bonheur, en somme. Mais un dimanche, en traversant la rue, François est mort. Nathalie s’en retrouva dévastée. Elle mit sa vie en pause, perdue. Jusqu’à rencontrer un homme, Markus, pas très beau, pas si intéressant. Un homme qui réveilla en elle son désir de vie.

La délicatesse: de la « feel good » bd

Notons ce premier point, La délicatesse, c’est sommes toute un album qui faut du bien. Un album avec de beaux sentiments, de la sensibilité, une belle morale. Et aujourd’hui, ça fait du bien de revenir un peu à ce genre d’ambiance. C’est sans doute aussi pour cela que le roman de David Foenkinos eut autant de succès. Je n’ai évidemment pas lu ce roman, mais j’entends les gens parler autour de moi, et je pense donc que Cyril Bonin a réussi son pari de ce point de vue là. Cet appel à des émotions simples, positives, au droit au bonheur de tout un chacun pour peu qu’on s’y autorise, c’est basique mais l’époque n’est pas à cet état d’esprit. Alors il n’est pas inutile d’en faire la promotion.

Que doit être une bonne adaptation?

Mais il y a bien un « mais », à mes yeux. Quelque chose qui ne fonctionne pas vraiment et qui m’empêche de m’emballer pleinement pour une histoire qui a pourtant tout pour me plaire. Et je pense que le « bât » blesse sur la question de l’adaptation du roman. Les choix faits par Cyril Bonin ne me semblent pas lui permettre de s’épanouir pleinement.

Premier reproche que je ferai, la reprise de la structure narrative du roman pendant une grande partie du roman. Cyril Bonin utilise énormément d’encadrés pour reprendre le style de Foenkinos, ce côté narrateur omniscient. Mais si dans un livre, cet emploi est une norme, il n’utilise pas le plein potentiel du média bande dessinée. Le lecteur n’est pas immergé dans l’histoire, il survole au dessus des longs blocs de texte. Mais s’il n’a pas le vibrato du souvenir du roman, je pense vraiment que ça peut le bloquer. La bande dessinée est l’art de la séquence, de la narration, du mouvement. Il aurait fallu mettre en scène ces blocs de texte, leur donner du vécu, pour réellement profiter de cette bande dessinée.
A mes yeux, une bonne adaptation de roman en bande dessinée n’est pas celle où l’on retrouve l’auteur initial. Pour ma part, je veux retrouver la vision du bédéaste à l’oeuvre. Et là, c’est bien trop neutre. Trop respectueux.

Sans doute que pour profiter pleinement du format bd, il aurait fallu beaucoup plus de planches. On est déjà à 94 pages, ce n’est pas rien. Mais pour développer les personnages, leur donner autant d’existence que ce que j’imagine être dans le livre, on aurait vraiment eu besoin de les voir vivre plus. Quand on ne connaît pas déjà les personnages, on a quand même un peu de mal à croire à la rencontre de Nathalie et Markus. On ne comprend pas ce qui peut faire vibrer la jeune femme chez cet homme banal. Pourquoi soudain elle le voit alors qu’elle ne l’a jamais calculé jusque là. L’historie est belle, mais en l’état, elle manque de crédibilité. On doit l’accepter en renonçant à notre regard critique, et c’est toujours dommage.
Mais il n’est pas évident de savoir quoi garder dans une adaptation de roman. Une lectrice des deux ouvrages me confiait qu’à son goût, Cyril Bonin avait trop ciblé la reprise de confiance de Nathalie, en délaissant trop d’éléments autour à son goût.
Ce manque, je le ressens moi aussi.

Tracer toujours le même sillon graphique

Et même du point de vue du dessin, j’ai du mal à retrouver le plaisir que j’ai eu à lire Cyril Bonin jusque là. Attention, il fait du bon travail, dans la lignée de ce qu’il avait proposé, dans les tons, dans le travail de ses textures, sur The Time Before. Mais justement, c’est trop ce que j’attends. Nathalie est trop conforme à ce que j’ai déjà lu de lui, physiquement. Je suis peut-être « vache », sur ce coup là, et même un peu injuste. C’est très possible. Mais je ne ressens pas une flamme, un engagement, comme je l’avais eu sur Amorostasia.

 

Alors voilà, j’ai bien pinaillé, j’ai bien critiqué. Mais je le redis, ce livre est bien. Les amateurs de Foenkinos devraient somme toute y prendre du plaisir, parce que l’artiste reste doué. Mais moi, je suis ressorti de l’album avec des doutes et des questionnements ainsi que des regrets.
Il m’a paru honnête, pour une fois, de vous en faire part.

ET SI ON DONNE UNE NOTE?

16/20

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Titre: La délicatesse
Auteur: Cyril Bonin
Editeur: Futuropolis
Date de publication: Novembre 2016
Nombre de pages: 96 pages
Prix: 17€
D’après le roman de David Foenkinos

 

Bibliographie partielle de Cyril Bonin

AmorostasiaLa-belle-imageThe time before

Adaptations de romans en bande dessinée

L'aliénisteLe chevalier doubleLes vestiges de l'aube tome 2

 

 

 

 

 

4 réflexions sur “La délicatesse, par Cyril Bonin, aux éditions Futuropolis

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