Interview Quai des Bulles 2015: Dawid- Le dessinateur aux SUPERS-pouvoirs

Dawid par Dawid

Crédits: Photo et dessins par Dawid
Source: Facebook

Imaginez…. On est sur un bateau, amarré à un quai. Il fait doux, il y a presque du soleil…. Et il y a un interviewé qui se moque des entames d’interview écrites par l’intervieweur… pfff…
C’est dire si on se prenait la tête avec Dawid, en ce jour de Quai des Bulles à Saint Malo.

Dessinateur en vogue sur la blogosphère pour sa capacité à s’adresser aux jeunes lecteurs, j’ai eu envie de vous permettre de passer un moment en sa compagnie, à l’occasion de la sortie de son dernier livre, Supers, scénarisé par Frédéric Maupomé.

 

Bon, Dawid! On commence par la question qui sert à rien! C’est quoi ce prénom bizarre que tu nous as trouvé?

C’est mon pseudo. C’est « david », mais écrit avec un W. En fait, j’ai habité pendant sept années en Pologne, et en polonais, la lettre V n’existe pas. Le prénom David existe en polonais, mais avec un W, donc on m’orthographiait le prénom comme ça. Du coup quand je suis rentré en France, j’ai continué de signer comme ça, et on a commencé à m’appeler « DaWid », chose à laquelle je ne m’attendais pas du tout. C’est resté, j’ai trouvé ça marrant, ça faisait un petit clin d’œil à mon expérience dans ce pays auquel je reste attaché. Tout mes collègues d’atelier m’appellent comme ça.

Donc, Dawid, aujourd’hui les lecteurs de bd te connaissent pour tes albums jeunesses à la Gouttière, mais j’ai relevé ta première publication en 2004, avec l’album Mytho-man, et une grosse pause de huit ans avant que tu ne reviennes comme coloriste.

Alors non, visiblement il y a un trou dans ma bibliographie sur le net, j’avais fait aussi deux albums chez Carabas, déjà sans paroles, un avec Mickaël Roux au scénario, on bosse ensemble depuis dix ans, et un second tout seul. Le premier c’était Coloriages et le second Mange-couleurs. Dans la collection carrée.
Mythoman c’était avant, un format comics chez un éditeur indépendant. Quelque chose de plus adulte. Et c’est un personnage que j’aimerai bien reprendre, sur un format plus long.
J’ai eu un grand trou qui n’en était pas un, puisque je travaillais pour la presse. Et il y avait la mise en couleur pour Mickaël. On a toujours dix mille projets ensemble. Mais oui, ça ne me laissait pas beaucoup de temps pour bosser sur des albums.

La Gouttière, ça a commencé par un ami commun, Loïc Dauvilier, qui m’a mis en relation avec Delphine (Cuveele), libraire jeunesse qui débutait dans le scénario. Et donc c’est parti comme ça.

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La gouttière, c’est un éditeur associatif sur la ville d’Amiens, comment tu es arrivé à eux?

Via Loïc qui connaissait le responsable de l’éditeur et du festival. La connexion s’est faite assez rapidement. Delphine a envoyé le dossier de Passe-Passe et Loïc a proposé de faire le lien. Ils ont été assez emballés, c’est passé par le comité de lecture, ils ont vu ça tous ensemble, et voilà. La Gouttière existe depuis déjà six ans, mais c’était un éditeur qu’on visait déjà, qu’on trouvait adapté. Et depuis, ça n’arrête plus.

En 2014, tu te payes le luxe de sortir deux albums, La Belle et la Bête chez Bamboo, et Passe-Passe à la Gouttière, comment tu as réussis ce tour de force? Simple hasard de calendrier?

Non, j’ai mené les deux projets de front. J’étais engagé dans Passe-Passe, et j’ai été appelé pour participer à la collection Pousse de Bamboo. Mais comme j’ai des super-pouvoirs j’ai réussi à mener de front les deux. En alternant. J’ai d’abord fait les crayonnés de Passe-Passe, puis ceux du second album. Et ils sont sortis plus ou moins au même moment. Mais c’est super.

Ca veut dire que tu es un artiste rapide, dans ton trait?

Faut pas dire ça, après les éditeurs ils me pressurisent à fond. Ah ah ah.
Ben oui, je suis relativement rapide, ou j’ai cette réputation. J’ai du mal à m’arrêter aussi. C’est un métier de passionné. Bon, faudrait peut-être que je lève un peu le pied. Je t’avouerais que ça m’a un peu crevé… Les fins d’albums de toute façon c’est toujours épuisant.
Après j’ai un dessin qui permet de travailler relativement vite. J’ai du mettre six mois pour chacun. Mais ce fût intensif. A fond. Mais je ne regrette pas.

Passe-Passe_plancheDans ton oeuvre, il y a une grosse présence des albums sans textes, des premiers chez Carabas jusqu’à Passe-Passe. Est-ce que tu abordes différemment ce type d’album, par rapport à des histoires qui ne sont pas muettes?

Différemment, je ne sais pas… Je n’ai pas le texte pour donner du sens et tout doit passer par l’image, mais ça c’est un exercice que j’aime beaucoup. Mais je ne fonctionne pas différemment.
Mais je ne crois pas qu’il y ait une différence fondamentale.

Alors dans ce cas, quelles sont les différences dans le scénario que toi, tu reçois?

C’est ce que demandent les enfants et les instits quand je vais dans les classes. « Mais qu’est-ce qu’il fait le scénariste puisqu’il n’y a pas de texte à écrire? ». Delphine me donne un déroulé descriptif de l’histoire. Elle ne fait pas un déroulé case à case, et ça me plaît bien. J’ai une grande marge de manœuvre, et ça me permet de rajouter des petites choses auxquelles elle n’avait pas pensé et qui enrichissent l’histoire.
Frédéric Maupomé, sur Supers, ne m’envoie que des dialogues, pas de découpages là encore. Je trouve ça plutôt agréable de pouvoir gérer ça tout seul. J’ai reçu parfois des découpages de scénaristes précis, mais on n’arrive pas forcément à trouver d’alternative à ce qui a été proposé initialement. C’est plus frustrant.

C’est votre deuxième album commun, avec Delphine, il y a donc une relation professionnelle particulière qui s’est nouée, pour que vous vous retrouviez aussi rapidement?

Oui, oui. Quand j’ai reçu Passe-Passe, j’ai trouvé l’histoire géniale. En plus, dans sa tête, à l’origine, c’était pas une bande dessinée, c’était plus un livre illustré. Je crois qu’elle avait tenté ça avec quelqu’un qui n’arrivait pas à gérer ça en bd, et moi je me suis senti de le faire. Et puis la thématique me plaisait, je trouvais ça intéressant de faire des sujets pour les enfants, sans que ça soit plombant.
Ca devait être un one-shot, et puis on s’est rencontré, on a discuté, et je lui ai dit que je m’étais attaché à un des personnages, la petite fille. Je lui ai proposé de continuer avec elle, et Delphine avait quelque chose en tête pour le personnage, différent, burlesque. Et j’ai dit banco, on continue.
Et donc on retrouve à chaque fois un animal du précédent album. On est parti sur un troisième, je lui ai parlé d’un animal, d’un sujet, et on est parti sur une nouvelle histoire. J’ai eu le déroulé y’a un petit moment, j’ai commencé à réfléchir au story-board. On va repartir de l’école de la fin de Dessus-dessous.
Et récemment je suis intervenu dans des écoles en Picardie, pour un festival, des petites écoles de campagnes vraiment charmantes. Et je suis tombé sur une, où je me suis dit que ça ferait un décor parfait. Alors j’ai pris des photos, et j’ai prévenu les enfants que dans le prochain album, il pourrait bien y avoir leur école. J’espère que j’aurai l’occasion de revenir leur montrer.

On en vient à Supers, maintenant. Ton premier album avec Frédéric Maupomé, le scénariste notamment d’Anuki, bd sans texte. Et là, on vous retrouve pour une bd, parlante. Comment vous êtes vous rencontrés?

Frédéric, je l’ai rencontré de nombreuses fois lors de nos séances communes de dédicaces, sur le stand de la Gouttière. Et ce projet, il était écrit, il cherchait un dessinateur. Il est passé chez plusieurs avant de finir chez moi, je ne sais plus comment. Mais on commençait à se connaître, et ça m’a emballé tout de suite, un tel scénario. Y’a de tout. De l’action, de l’intime, de l’aventure… Je voulais aussi passer à la bd parlante, quand même, j’en avais pas fait beaucoup. Et puis l’aventure jeunesse, de la durée, du grand format.

C’est une aventure qui va se passer sur quatre albums. J’ai commencé le deuxième, le story-board, et il sortira dans à peu près un an.

Qu’est-ce qui t’a le plus accroché, dans cette histoire? Tout de suite?Supers_croquis_dawid

Hum… Les relations frères-sœur. Ce sont des enfants qui se viennent d’une autre planète, qui ont été laissés par leurs parents, et ils doivent se débrouiller tout seul sur Terre. Tout en restant discret malgré leurs super-pouvoirs. J’aimais cette idée d’intégration, comment la fratrie allait gérer ça. Il y a l’aîné, qui fait un peu office de chef de famille. Le petit plus foufou qui aimerait bien s’en servir, de ces pouvoirs.

Le super-héros est un prétexte pour écrire une famille dysfonctionnelle?

Oui, un peu, voilà… y’a plein de thèmes abordés, et c’est ça qui me plaisait. Ce n’est pas que l’aspect Justice et super-pouvoirs.

Dans l’album, il y a des séquences souvenirs, proposées par l ‘entremise de Matt. Comment as-tu travaillé et proposé ce décalage graphique?

Oh, c’est souvent, ces procédés narratifs, dès qu’il y a des scènes antérieures. Assez classiquement par la couleur. Moi j’avais envie d’essayer un peu autre chose. De l’aquarelle, des personnages un peu plus jetés. J’avais envie de changer du reste de l’album que je traite au feutre, de manière plus minutieuse, avec des hachures même parfois. Donc je voulais que ça tranche bien. C’était aussi l’occasion de tester autre chose, que peut-être je développerai par la suite. Et puis je ne voyais pas souvent de tels traitements dans des albums jeunesse, alors j’ai eu envie aussi de dérouter un peu les enfants.

Un enfant ça peut se dérouter, en bd jeunesse?

Non, en fait je crois pas du tout… Je pense qu’ils sont ouverts à beaucoup de chose, et de plus en plus. On leur offre une variété de styles graphiques énormes. Mais justement, je voulais que ça dénote.

Dawid_ dessinPour terminer, parlons d’autre chose. Tu as toujours publié en jeunesse, avec un trait très rond, très souple, est-ce que tu aurais envie de tester un lectorat différent? Plus adulte?

Oui, j’aimerai bien. Franchement, c’est un de mes objectifs. J’adore faire de la jeunesse, je m’éclate à en faire, mais là j’ai ce qu’il faut. En parallèle j’aimerai monter des projets plus adultes. Il y a un scénario qui traine sur mon bureau depuis un moment, que j’aimerai faire avec un scénariste. Et donc avoir un traitement peut-être plus différent. J’en ai écrit un aussi où je ferai tout. J’aimerai bien me faire greffer un bras supplémentaire, je me renseigne…

Sur ta page Facebook, tu proposes des choses un peu plus rouge voir même sanglantes…

Ouais, j’en avais marre des enfants mignons, ah ah ah… C’est de l’échauffement. J’étais pas forcément un dessinateur frénétique, jusqu’à présent. Je suis pas comme certains qui dessinent constamment. Mais là, j’essaye de me faire des tests, des recherches, au moins une fois par jour. L’autre fois, j’ai mis un peu de sang, ça a plu.

Je vais tester des choses, comme par exemple une mise en scène théâtrale de Supers, à Blois, pour le festival BD Boum. [Edit: En raison des attentats de Paris, la préfecture a annulé les animations collectives pour les scolaires] Je vais dessiner en direct sept à huit dessins. Quarante-cinq minutes, une adaptation avec des acteurs… Et moi je vais illustrer. Je viens juste de recevoir le texte, c’est condensé. Ils ont fait un truc bien. Je sais pas encore comment je vais faire ça.

 

Et ça te fait quel effet de te dire que tu vas avoir tes personnages à côté de toi, vivants?

C’est génial! Dès que BD Boum a proposé ça, on a dit oui. En plus, je crois que Frédéric avait déjà dans l’idée de faire ça. Donc il était super emballé. Ca fait super plaisir… Nouvelle expérience…
Mais le petit, Benji, je l’ai croisé dans une bibliothèque, à Tours. Il existe. Incroyable…. C’était super marrant. Il existe donc.

La sortie de Supers tome 2?

La date? Comme le premier, normalement, fin Août début Septembre.

 

Merci à toi Dawid et n’empêche que mes entames d’interview, elles sont vachement dynamiques, et na! ^^

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