Série: Alix
Tome: 33
Titre: Britannia
Scénaristes: Matthieu Bréda, Marc Jailloux
Dessinateur: Marc Jailloux
Coloriste: Corinne Billon
Editeur: Casterman
Date de publication: Mai 2014
Si je suis un grand fan d’Alix, vous proposant un certain nombre des premiers tomes dans ces colonnes, je m’étais jusque là tenu à l’écart de la reprise de la série après le décès de son auteur originel. La faut notamment à des dessinateurs adoubés par le maître et pas nécessairement à mon degré d’exigence. Et puis je me suis penché sur ce nouvel album, pour le magazine Zoo, et je me suis retrouvé sur le derrière. Il pouvait y avoir du bon, au royaume d’Alix.
Alix et Enak ont été appelés par César à le rejoindre au Nord de la Gaule. Ce n’est qu’une fois arrivé sur les lieux, que les deux amis apprennent pourquoi: César a l’intention de pacifier les tribus celtes de l’île de Britannia, bien trop prompt à assurer le soutien de leurs frères continentaux. Mais les deux jeunes gens vont découvrir que d’autres intérêts bien moins orientés vers les intérêts de Rome sont à l’œuvre derrière cette campagne militaire. Mais sont-ils les plus manipulés de l’expédition?
Première grosse qualité de ce trente-troisième tome, son scénario. J’ai été très impressionné par la richesse du travail de Marc Jailloux, assisté par Matthieu Bréda. Ainsi que je l’ai laissé entendre dans la présentation de l’histoire, les relations humains sont traitées en nuances de gris. Chacun a ses intérêts propres qu’il tente de satisfaire, avec plus ou moins d’honnêteté. Seuls les héros échappent à ce traitement, évidemment, mais un personnage comme César est traité avec bien plus de finesse que par le passé. C’est un politicien autant qu’un général, Bréda et Jailloux le savent et en usent. Il n’est plus autant sympathique, ce César. C’est une évolution que je trouve intéressante. Elle apporte beaucoup. Et du coup, les scénaristes s’intéressent beaucoup aux questions politiques de l’île de Britannia. De ce point de vue là, on apprend beaucoup sur les traditions des Celtes de l’île. J’ai été tout particulièrement intéressé par le groupe des Druides de Mona. Le pouvoir politique des druides, j’en avais entendu parler au cours de mes lectures, mais je l’avais rarement vu mis en scène, en bd notamment. On peut constater dans ces pages toute leur influence, la façon dont ils parvenaient à contrôler ou pas les chefs « temporels » de l’île.
Avec un scénario plein de rebondissements, il n’y a pas de quoi s’ennuyer au cours de cette lecture. Et avec quelques temps de réflexion bien posés, on apprécie encore plus.
Et puis il y a le dessin de Marc Jailloux lui-même. Il a été à bonne école, puisqu’il est passé entre les mains de Gilles Chaillet, un des élèves de Martin lui-même. Et je dois dire qu’il a su prendre inspiration sur ses maîtres, ce qui lui permet de livrer un dessin très juste, d’un niveau rarement atteint au cours des précédents albums. Evidemment, il cultive toujours un peu le côté guindé d’Alix; si vous n’aimiez pas avant, je doute que vous appréciez aujourd’hui. Mais il y a de la maîtrise dans son trait. Notamment dans sa façon d’exécuter les visages, ce qui était le point faible de certains de ses prédécesseurs.
C’est le deuxième album de Marc Jailloux sur la série Alix, et je dois dire qu’il mérite réellement de continuer à oeuvrer aux destinées de ce personnage mythique. Solide est l’adjectif qui lui convient le mieux. Dans ce qu’il écrit, dans la façon dont il met en scène. C’est pour l’instant un de mes Alix préférés de ces dernières années…
16.75/20
Les Chroniques de l'invisible 