Le tirailleur (Lundi One-Shot)

Le tirailleur

Titre : Le tirailleur

Scénariste : Alain Bujak

Dessinateur : Piero Macola

Editeur : Futuropolis

Date de publication : 5 Mai 2014

 

Depuis que Jamel Debouze a porté le film Indigènes, la questions de l’implication des natifs des colonies dans les guerres françaises est beaucoup mieux connue. Dans les deux guerres mondiales, notamment, des sénégalais, des marocains et tant d’autres, sont venus se faire trouver la peau dans la froideur du nord-est de la France sans qu’on leur demande trop leur avis, et sans qu’on ne reconnaisse vraiment leurs mérites. C’est sans doute le but d’Alain Bujak, continuer de faire connaître des hommes souvent mal traités encore par ceux pour laquelle ils ont donné tout une partie de leur vie.

 

Abdesslem est à la retraite. Piero Macola l’a rencontré dans un foyer ex-Sonacotra, alors qui y faisait des photos. Un vieux marocain de plus de 80 ans, obligé de vivre neuf mois par an en France pour toucher une maigre pension militaire. Mais un revenu indispensable pour cet ancien tirailleur marocain qui a combattu pour la France pendant la seconde guerre mondiale et la guerre d’Indochine. Un homme oublié, méprisé par la France, dont Bujak a voulu préserver les souvenirs.

 

S’il y a un élément qui doit faire débat, sur ce livre, c’est à mon sens le parti pris scénaristique de mettre en scène les souvenirs d’Abdesslem, racontés par lui-même. C’est le défaut du livre, un ton peut-être un peu trop explicatif, un peu trop linéaire. Un narrateur omniscient qui nous aurait placés directement auprès du jeune Abdesslem, aurait eu à mon sens plus de force. Mais cela se discute, bien évidemment.

Le reste de l’histoire ne se discute pas, pour peu que l’on soit de bonne foi. Oui, les coloniaux ont été exploités pour essayer de sauver la France pendant les différentes guerres du XXe siècle, contre leur grès souvent, et oui, ils ont été abandonnés comme de vieilles chaussettes après les conflits, traités avec bien moins de dignités que leurs frères d’armes blancs. Le scénariste explique bien combien les pensions des coloniaux sont minorées par rapport aux français, au prétexte qu’ils vivent dans des pays au niveau de vie moindre. Ils se sont battus pour la France, qui aujourd’hui rechigne à payer sa dette auprès d’eux. Le film Indigènes a fait évoluer un peu les choses, en conscientisant le président Jacques Chirac, mais les conditions d’obtention des droits restent tout de même ségrégationnistes, ainsi que la vie d’Abdesslem vieux le démontre. Avec lui on retrace l’Histoire des guerres françaises depuis 1939. Un regard acéré mais honnête sur ce qu’il a vécu.

 

Je retiens par contre plus encore le dessin d’Alain Bujak, que j’ai trouvé particulièrement délicat. Il est simple, mais pourtant plein d’inventivité créatrice. La scène de la bataille de Monte Cassino est particulièrement intéressante de ce point de vue là. L’artiste ne se repose pas sur ses lauriers, il ose, essaye d’apporter un supplément de sentiments par son travail. Sa mise en couleur, que j’imagine aux crayons (craies grasses peut-être ?), apporte une douceur supplémentaire. On ressent les choses, grâce au travail de Piero Macola. Les collines marocaines, on les sent vivre devant nous. On vibre avec les personnages.

 

Très bel ouvrage donc, très sensible, que nous propose Futuropolis pour ce début Mai. Il nous instruit, nous émeut, et nous rappelle que des hommes qui se sont battus pour notre liberté sont encore fort mal considérés aujourd’hui. Rendons-leur les honneurs qu’ils méritent avant qu’ils ne soient tous morts.

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