Békame tome 1 (Mardi Chronique)

Békame tome 1

Série : Békame

Tome : 1

Scénariste : Aurélien Ducoudray

Dessinateur : Jeff Pourquié

Editeur : Futuropolis

Date de publication : Février 2012

Depuis Saint Malo, je fais en sorte de découvrir le travail du scénariste Aurélien Ducoudray. Il y a quelque chose en lui que j’aimerai avoir. Sans doute son parcours de journaliste. Un métier que j’aurai aimé exercer, et sans doute une bonne méthode pour apprendre à raconter des histoires, à trouver des sujets. Vous allez-voir qu’avec cet album-ci, la cruauté du quotidien et de la réalité rattrapera tous les romans possibles.

Bilel , qu’on appelle Békame, a dix ans. Il a quitté son pays pour essayer de rejoindre son frère en France. Presque deux ans qu’il est parti, Ahmed, et qu’il ne donne plus trop de nouvelles. Mais ce frère a promis à Békame qu’ils iraient un jour tous les deux en Angleterre. Alors Bilel a pris le même chemin. Sauf qu’il ne fait pas bon être un gosse et un clandestin, en France. S’il est là, c’est pour bosser, pas pour se la jouer fille de l’air et recherches généalogiques. Mais Békame va quand même tenter sa chance.

Scénario cru et sans concession, une grosse baffe dans la tête. Aurélien Ducoudray est allé recueillir la parole des migrants pour bâtir une histoire plus vraie que nature. Il veille à nous rappeler ce que nous ne voulons pas voir, nous autres français. La cruauté de la vie des sans-papiers. Quelques minutes dans un journal télé, une destruction de camp du côté de Sangatte, des statistiques de reconduites à la frontière… Au-delà, on ne s’intéresse pas. Les destinés de ces hommes et femme ne nous intéresse pas, leurs désirs d’un monde meilleur nous les ignorons. Si nous leur accordions un peu plus d’attention, la traque administrative et policière deviendrait alors inhumaine, et il nous faudrait réfléchir autrement au problème, chercher des solutions qui seraient lentes à se mettre en place et à produire des effets, alors que nous adorons pouvoir lire des chiffres clairs : X reconduites à la frontière. C’est clair, c’est précis, c’est déshumanisé. Ducoudray revient à l’humain d’abord (désolé pour le slogan, Aurélien). La force de ce récit, c’est sans doute de ne jamais rien enjoliver. Pas de vision romantique et idéaliste de l’immigration, c’est du concret, du glacial, du cruel. Mais justement, c’est sans doute plus efficace présenté ainsi, cela incite plus à la réflexion. J’aime ce regard de fille d’immigré installée, sur ce gamin qui ne fait rien de plus que ce que le paternel fit des années auparavant. Le personnage le dit, d’ailleurs, Assan : il aurait aimé qu’on lui file un coup de main, quand il est arrivé. Et aujourd’hui, c’est un homme qui travaille, intégré pourrait-on dire. Une invitation à réfléchir, là encore. Et puis il y a Ahmed, le frère de Bilel. Un personnage fantastiquement ambivalent. Un frère idéalisé, mythique presque, qui va s’avérer une belle ordure. Et c’est dans le second tome que l’on saura comment Bilel réagit à cette découverte. J’ai hâte.

Graphiquement, Jeff Pourquié me semble vraiment très intéressant. Je trouve son trait acide. Je ne vois pas d’autre mot pour décrire ce que je ressens… Il y a quelque chose de nerveux, d’agressif, dans son dessin, mais qui convient parfaitement au propos du scénariste. Cette nervosité du trait, une légère noirceur, il ne fallait pas autre chose pour mettre en scène la vérité crue d’Aurélien Doucoudray.

J’attends désormais avec impatience le deuxième tome de cette histoire. J’ai hâte de voir si Bilel perdra ses illusions, ses rêves. Cette histoire connaîtra-t-elle est un fin heureuse ? Rien n’est moins sûr. En tous cas, le parcours sera instructif, on ne peut en douter.

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