La colonne tome 1- L’esprit blanc (Mardi chronique)

La colonne tome 1

 

Série : La colonne

Tome : 1

Titre : Un esprit blanc

Scénariste : Christophe Dabitch

Dessinateur : Nicolas Dumontheuil

Editeur : Futuropolis

Date de publication : Août 2013

 

De nombreuses raisons m’ont conduit  à m’intéresser à cet album. Le thème, d’abord. Un scénario qui s’en va fouiner dans les pages sombres de l’Histoire de France, ça ne peut que m’interpeller. Son scénariste, ensuite, que j’ai un peu lu, et qui garantissait un ouvrage intéressant. Son dessinateur, enfin, que j’avais très envie de découvrir, alors que le premier tome du Landais volant, sa grande série, ne m’avait pas emballé particulièrement.

 

C’est l’histoire d’une aventure, d’une colonne militaire qui s’enfonce à travers l’Afrique de l’Ouest, pour la grandeur de la France. Menée par deux officiers, le Capitaine Boulet et le Lieutenant Lemoine, elle s’agrandit au fil du temps, sur le terrain. Porteurs et soldats sont recrutés dans les tribus locales. Mais visiblement, Boulet va finir avec une balle entre les deux yeux. Un des soldats noirs, peut-être ? En tous cas, cet homme attend aux côtés du cadavre du capitaine. Et c’est à ce moment-là que l’esprit de la colonne se manifeste, pour lui raconter ce que lui pauvre noir ignore.

 

Que voilà un scénario bien acide ! Christophe Dabitch ne craint pas de nous livrer sans fards la cruelle mentalité du XIXe siècle relative à la colonisation de l’Afrique. Alors certes, c’est sans doute le point de vue le plus extrême qui est mis en scène, mais je crois qu’il disposait d’une belle audience à l’époque, et qu’il y a donc matière à englober toute une partie de la société française dans cette façon de voir les choses. Et quel point de vue… Le scénariste ne nous épargne absolument rien des considérations racistes de la belle société de l’époque. Voir même il nous plonge au cœur de ses pires partisans. Je trouve très intéressant l’utilisation de cet Esprit Blanc en tant que narrateur, que Dabitch nous propose. Cet esprit rappelle bien, me semble-t-il, que ce racisme allait bien au-delà des deux militaires, qu’il était un état d’esprit global. Et un état d’esprit partagé par les africains qui rejoignaient les français (on pourra dire les blancs en général, me semble-t-il, je doute que ce soit une spécificité française) et intériorisaient ces sentiments d’infériorité. Bon, ceci dit, ils n’avaient guère le choix, comme le montre le scénario. Entre le statut de nègre et la mort, le choix devait être assez facile à faire, malheureusement.  Mais le scénariste ne néglige pas de montrer comment certains ont pu profiter de ce statut pour outrepasser les ordres et ce livrer à des tueries aux intérêts bien plus personnels, et bien peu guidés par le service de la France.

Cette acidité du propos, me semble parfaitement soutenue par le dessin de Nicolas Dumontheuil. Je suis parfaitement convaincu par son travail. La moindre case est d’une justesse et d’une qualité impressionnante. Mais ce que j’aime surtout, c’est le côté « grotesque », qu’il donne à son trait, qui vient créer un ton de farce à cette histoire, qui accentue son caractère acide.

 

Une association idéale d’auteurs, une histoire grinçante qui vient rappeler les exactions d’une époque à laquelle nous, français, ne pensons plus trop, autant d’excellentes raisons de vous ruer sur cette histoire en deux tomes.

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