Quand Jirô Taniguchi est décédé, le 11 février 2017, il était en pleine réalisation d’un nouvel album. Non pas pour le Japon, mais bel et bien pour la France et Rue de Sèvres. Il préparait une série jeunesse qui sortirait des cadres classiques du manga. Oeuvre à jamais incomplète. Rue de Sèvres nous offre donc les planches déjà réalisées, assorties d’un commentaire très riche pour comprendre les intentions de l’auteur.
La forêt millénaire: Un bel écrin pour le dernier album de Taniguchi
A la suite d’un tremblement de terre, une montagne boisée est sortie du sol dans la région San’in. C’est au pied de celle-ci que Wataru, enfant de dix ans, est venu s’installer avec ses grands-parents. ses parents ont divorcés et sa mère, malade, est restée à Tokyo sans pouvoir s’occuper de lui. Wataru est dépité. Mais cette forêt étrange semble exercer une attraction totalement incompréhensible sur lui.
La qualité de l’ouvrage en tant qu’objet
Comme il a été dit, La forêt millénaire est un album très particulier. C’est presque un album posthume, à la fois hommage au travail accompli par l’auteur et hommage de son éditeur français au talent de l’artiste.
Ce dernier album de Jirô Taniguchi est donc déjà un très bel objet.
Format à l’italienne, jaquette cartonnée couleur avec un grain prononcé, planches couleurs, carnet de croquis, rédactionnels décrivant le processus de création, Rue de Sèvres a vraiment mis les petits plats dans les grands. Les textes sont passionnants et les croquis magnifiques. On a vraiment le sentiment d’entrer dans le processus de création de cette oeuvre inachevée.
Vous aurez déjà envie de le conserver dans votre bibliothèque tant le livre est beau.
Jirô Taniguchi dans son pré carré
Mais n’oublions pas qu’il y a de la bd, quand même, dans ce livre. 42 pages constituant le premier chapitre de l’aventure. Une histoire qui, ce ne sera pas faire offense au mangaka, évolue dans les thèmes fétiches de l’artiste. On n’est pas dans une histoire surprenante du point de vue de son contexte.
Taniguchi y livre déjà un véritable plaidoyer pour que l’homme prenne sa juste place au sein de la nature. Dans une dynamique harmonieuse et non plus prédatrice. Une nature bienveillante et mystérieuse, que l’on sent déjà empreinte de principes shintoïstes. Des créatures magiques semblent y prendre place, sans que l’on reconnaisse des figures habituelles du folklore japonais.
Et puis il y a l’humain. Wataru. Là encore, un personnage mélancolique, très contemplatif. Empli de tristesse, même, car il y a cet « abandon » parental derrière lui. C’est un état d’esprit que l’on retrouve souvent chez Jiô Taniguchi, comme s’il était celui qui ouvre les perceptions, notamment au surnaturel.
Une nature sublimée par la couleur
Comme dans La montagne magique, Jirô Taniguchi a choisi de porter ce récit en couleurs. C’est une plongée encore plus forte dans le monde de la forêt millénaire qu’il nous offre, en procédant ainsi.
On est littéralement happé par ses planches, complètement emporté par la tendresse des verts qu’il emploie. Il y a quelque chose d’impressionniste, dans son traitement, qui vient nous toucher au plus profond de nous-même.
A côté de ça, on retrouve son trait précis et délicat. Même au bout de sa vie, Jirô Taniguchi resta le grand artiste qu’il était.
Au revoir, Taniguchi-sama
La forêt millénaire restera donc comme un très bel au revoir pour un artiste japonais qui a marqué les lecteurs de bande dessinée européens par son intelligence et sa douceur. Ce livre lui ressemble.
Un ouvrage à garder précieusement dans sa bibliothèque.
ET SI ON DONNE UNE NOTE?
18/20
Titre: La forêt millénaire
Auteur: Jirô Taniguchi
Editeur: Rue de Sèvres
Date de publication: Septembre 2017
Il n’y a que 42 pages de BD ? Il n’en était donc qu’aux débuts… Il faudra que j’aille voir en librairie ce drôle d’objet, avant certainement de l’acheter !
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