Geisha ou le jeu du Shamisen: les dessous d’un raffinement extrême
Une bande dessinée sur les geisha, le passionné de Japon que je suis ne pouvait passer à côté. Mais c’est risqué pour les auteurs, des gens comme moi. Il faut savoir proposer autre chose que les histoires que nous connaissons déjà. C’est évidemment le dessin de Christian Durieux qui va faire la valeur ajoutée, mais pas seulement. La personnalité de l’héroïne de Christian Perrissin fait aussi tout l’intérêt de cet album.
Face à la misère, des rêves de grandeur
Joji a dix ans à peine. Son père, un ancien samouraï devenu marchand de bois, ne trouve plus de travail dans son village et toute leur famille est obligée de migrer à la ville. Le vieil homme travaille rapidement, permettant à sa femme et ses filles d’avoir un toit et de quoi manger. Mais le jour où il perd sa jambe dans un accident de travail, il doit se faire une raison. Il faudra vendre une de ses filles. Il va amener Joji à une Okiya, ou la mama-san va accepter de prendre Joji à son service contre de l’argent. Peut-être, un jour, Joji deviendra-t-elle Geisha.
L’apprentissage d’une geisha
Assez classiquement, Christian Perrissin, le scénariste, nous présente le parcours d’une jeune fille vendue à une Okiya de Geisha, pendant l’ère Taisho (celle qui suit Meiji). Mais cette fois-ci, c’est une fille de samouraï, ou du moins, d’ancien samouraï, ce qui apporte une nuance appréciable. On voit bien que l’héroïne a un peu plus de culture que la moyenne des apprenties geisha et ça donne nettement plus de justifications aux compétences dont elle fera preuve par la suite. L’importance du capital culturel, dirait Bourdieu…
Ce qui est à noter, c’est que les personnages ne sont presque jamais caricaturaux. Oui, on a le droit à la favorite de l’Okiya hautaine, mais en dehors d’elle, même la mama-san se montre extrêmement nuancée. Ma préférence va bien évidemment à la professeure de Shamisen qui du haut de son grand âge et de ses compétences, va sans nul doute s’avérer un personnage incontournable pour la vie de Joji. J’aime cette bienveillance juste voilée, cachée sous une couche de rigueur mais surtout d’intelligence.
Les personnages sévères mais juste ont toujours notre préférence, c’est bien connu.
Les contemplations de Christian Durieux
Quel bonheur de regarder le travail de Christian Durieux sur cet album… Le Japon l’inspire grandement, ça se voit.
Ses paysages sont de véritables petits tableaux qu’on passe de longs moments à admirer. Cette nature si importante pour la culture japonaise, est magnifiée à chaque page. Les scènes hivernales, sous la neige, sont d’une délicatesse impressionnante…
Et pourtant, le dessinateur propose un travail qui aurait pu manquer de nuances, théoriquement. Il travaille sur une association blanc-gris-noir dont il tire une palette de lumières ébouriffante. C’est un vrai bonheur que d’observer son travail. Il n’y a aucune lassitude, aucun sentiment de redondance. On est totalement emporté par son travail, les couleurs, on les imagine nous-même.
Un jeu de Shamisen qu’on réécoutera/ relira avec plaisir
Allé, zou, je vous mets une petite vidéo de Shamisen traditionnel pour accompagner votre lecture de cet album, il le mérite bien. L’ambiance sera assurée, et cela vous fera patienter avant la sortie du tome 2 dans un an ou deux. Parce que vous allez avoir envie de rester en compagnie de Joji et des autres personnages, garanti!
ET SI ON DONNE UNE NOTE?
18/20
Titre: Geisha ou le jeu du shamisen
Tome : 1
Scénariste: Christian Perrissin
Dessinateur: Christian Durieux
Editeur: Futuropolis
Date de publication: Avril 2017
Sacrément tentée !
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