Moby Dick Livre premier, par Chabouté: Il y a des adaptations évidentes
Prenez une oeuvre mythique de la littérature de mer. Prenez un bédéaste réputé à la fois pour sa passion pour les océans déchaînés et pour les univers fantastiques. N’y avait-il pas de rencontre plus évidente que le roman de Herman Melville et Christophe Chabouté?
Bonne nouvelle pour ceux qui aiment l’artiste, c’est du Chabouté comme on l’aime. Ceux qui aiment le roman pourront êtres pris à rebrousse-poil par l’identité graphique de l’auteur.
Mais pour une des deux adaptations du roman publiées en 2014, il fallait au moins ça.
Un gars de la marchande et un indien sont dans un bateau…
Il était marin dans la marine marchande et il veut s’engager sur un baleinier. Il veut croiser le Cap Horn, découvrir le monde par delà les côtes. Arrivé à Nantucket, il va devoir sympathiser avec un harponneur, un indien à peine civilisé. Ce duo improbable va prendre place à bord du Pequod, le navire du capitaine Achab. Un homme qui a perdu sa jambe, dévorée par un cachalot blanc. Et qui n’aura de cesse de le traquer et de le tuer. Quitte à y risquer la vie de tout son équipage.
Moby Dick: vous aviez vraiment besoin que je présente l’histoire?
Dans les grandes lignes, je pense que vous connaissez tous Moby Dick.
Alors qu’est-ce qui fait la particularité de l’adaptation de Christophe Chabouté? Peut-être une dimension plus introspective, vis à vis du personnage narrateur. Ce témoin de la folie d’Achab. Ses pensées rythment les chapitres, tandis qu’il observe plus qu’il n’agit dans les pages mises en scène. Le personnage s’efface, devant Queequeg le harponneur, devant le Pequod, devant le second d’Achab même. Sans parler du capitaine lui-même. Mais pourtant, on sent que le personnage est là pour jouer les naïfs, pour apporter un regard nouveau sur des hommes trop éloignés des normes de la société du fait de leurs missions.
Et puis il y a Achab, absent d’abord, forme menaçante ensuite, acteur terrifiant à la fin de ce premier opus. Comme une montée en puissance subtilement dosée par Christophe Chabouté. Et qui s’appuie évidemment sur le dessin.
Chabouté: Le poids du noir, la flamboyance du blanc
Soyons honnêtes, Moby Dick ne représente pas une prouesse graphique supérieure à ce que Chabouté avait produit jusque là. Sa passion de la mer et des bateaux, on la connaît depuis Terre-Neuvas, superbe album que vous trouverez en lien en fin d’article.
Mais justement, on savoure d’autant plus la puissance des pages qui nous sont offertes. Jamais de nuances, avec Chabouté, les noirs sont intenses, les blancs lumineux. Et le trait est vif, acerbe. Les silhouettes se découpent au scalpel sur les fonds immaculés ou sur les obscurités sans fond. La rudesse de ce monde, il la retranscrit sans égal. Et imaginez donc cet Achab, présence inquiétant, forme noire tranchant le ciel blanc… Absence oppressante… Et il y a cet enfer noir, le dépeçage de l’animal. Usine de mort… Aucun rouge à l’horizon, mais il est paradoxalement partout. On le sait. On voit la couleur sans que Chabouté ne la montre.
Quant à la baleine… On sait qu’elle viendra. On sent, que Chabouté se retient, la seule qu’il montre ne sortira pas de l’eau. Alors on se sent appelé vers le tome 2. On veut prendre la claque Moby Dick, et on sait que l’artiste pourra nous l’envoyer. On veut se sentir écraser sous la force de cet animal qui n’est qu’évoqué tout au long de l’album.
Hissez les voiles, Moby Dick tome 2, aux éditions Vents d’Ouest, nous attend!
Alors oui, j’ai maintenant hâte de finir l’aventure, de voir comment la pression se manifestera et de quelle façon elle s’apaisera au final.
Chabouté fait du Chabouté, mais il le fait bien. On veut lire la suite. Quand bien même on connaît toute l’histoire…
ET SI ON DONNE UNE NOTE?
17.75/20
Série: Moby Dick
Titre: Livre premier
Auteur: Christophe Chabouté
Editeur: Vents d’Ouest
Date de publication: Janvier 2014
Nombre de pages: 120 pages
Prix: 18.5€
D’après le roman de Herman Melville
La Bande Dessinée vous emmène en mer