Shangri-La, par Mathieu Bablet, aux éditions Ankama

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Shangri-La: une seule lecture n’y suffira pas

Parfois, je suis un suiveur.
Denis Bajram, célèbre auteur de bande dessinée français, auteur du mémorable UW1, annonçait ceci:

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Moi, je n’aime pas le dessin de Mathieu Bablet. C’est ballot, mais je n’aime pas la façon dont il dessine ses personnages. Je suis donc passé à côté de ce livre.
Mais forcément, Bajram qui dit « foncez lire ça », moi, ça me questionne. Ne serais-je pas en train de passer à côté de quelque chose?
Alors pendant Quai des Bulles, même si l’auteur n’était pas là, je me décide. J’achète le livre. Et même après une journée de festival dans les pattes, j’ai lu de A à Z ce bouquin. Et même, le lendemain matin, au réveil, j’ai relu la conclusion pour voir si j’avais bien compris.
Shangri-la fait juste parti des meilleurs albums de l’année!

Tianzhu Enterprises vous veut du bien!

La Terre n’est plus habitable. Les humains sont regroupés dans une station spatiale en orbite, Shangri-La. Cette station est dirigée par une entreprise, Tianzhu Enterprises. Chacun produit Tianzhu, consomme Tianzhu, vie et meurt Tianzhu. Pour le plus grand bonheur de tous. Consommer, c’est vivre.
Mais d’étranges accidents dans des laboratoires épars vont amener un petit groupe d’humains à découvrir les secrets cachés de Shangri-La. Pour cela, ils vont devoir aller contre le bonheur bien réglé proposé par Tianzhu. Et en payer le prix.

Shangri-la: Même pas peur?

Mathieu Bablet est un fou. Il a produit une oeuvre, Shangri-La assez difficile à pitcher tant son scénario est d’une complexe, profond. On en laisse forcément de côté pour ne pas tout dévoiler. Genre, par exemple, que le personnage principal meurt dans la première séquence, et que même sans le connaître, ce moment est déjà très fort.
Oui, Mathieu Bablet tue son personnage principal dès le départ, et je ne crains pas de vous le révéler. Vous vous en doutez, il y a une manœuvre de l’auteur. Vous savez comment se termine l’histoire, il ne vous reste plus qu’à découvrir comment le personnage principal en est arrivé là.

Il ne craint pas de venir nous donner à penser sur une multitude de sujets: la place de l’humain sur Terre, son rapport à Dieu, le pouvoir et la responsabilité de la science, les travers de la société de consommation… Je continue ou je m’arrête là? Allons plutôt plus en profondeur.

Que retenir de Shangri-La?

Je ne vais pas pouvoir produire une chronique exhaustive sur cet album. Il demanderait une analyse bien plus poussée, bien plus conséquente que ne le sont mes articles habituels. La tâche serait immense. J’exagère? Pas tant que ça.
Alors, à quels éléments vais-je plus particulièrement m’intéresser?

La question de la société de consommation et de ses dérives me semble centrale. Parce qu’elle amène l’auteur à produire une réflexion sur la liberté.
Tianzhu est une entreprise totalitaire, en ce sens qu’elle encadre l’ensemble des temps de vie des habitants de Shangri-La. Ce totalitarisme se traduit d’abord par l’impact de la publicité, qui n’a jamais été aussi proche de la propagande que dans cet album. Bablet avance frontalement, en montrant comment son héros, Scott, est manipulé par le désir d’achat créé chez lui par la publicité. Mais il n’y a pas que cela. Mathieu Bablet va beaucoup plus loin en décrivant comment un système à la Apple, basé sur la consommation frénétique de nouveautés, ne peut que reposer sur des dessous extrêmement sombres. Aujourd’hui, les smartphones sont souvent fabriqués à vil prix par des ouvriers dont le statut frôle de peu l’esclavagisme. L’auteur profite du cadre de la Science-Fiction pour pousser le curseur beaucoup plus loin. Malaise assuré, mais si le miroir est grossissant, il n’est pas si déformant.

Le deuxième sujet que je retiendrai, je l’ai déjà évoqué, c’est la question de la liberté. Vaste débat, qui ne fait pas partie de mes préférés, mais qui se trouve extrêmement bien mené.
Dans un monde totalitaire, la rébellion est-elle une véritable liberté, ou bien n’est-elle qu’une faille acceptable et gérable du système? Sur cette question-là, l’auteur va se montrer particulièrement acide. Avec des personnages qui ne sont pas dupes de leur position et qui ne se montrent pas plus vertueux que le système qu’ils cherchent à faire tomber.

N’attendez pas de réponses, avec Mathieu Bablet. Il a l’intelligence de ne pas en produire. Mais par contre, il produit des questions, qui viennent percuter le lecteur régulièrement au fil de l’album. Effet garanti!

Bon, la tronche de persos, on en parle?

Autrement dit, parlons dessin.
Je vous l’ai dit, le trait de Mathieu Bablet fût à l’origine un frein pour moi. Ses personnages étaient dessinés de manière bien trop imparfaites, avec de vrais manques trop régulièrement. Un manque de constance dans la façon de dessiner les visages, notamment. Des yeux avec ou sans pupilles suivant les cases, par exemple.

De ce point de vue là, je ne change pas mon point de vue, ça me chagrine que le dessinateur ne soit pas plus rigoureux.
Ca me chagrine d’autant plus qu’il possède une vision de son monde assez impressionnante. Et que côté décors et immersion, on en prend plein la tête, de la première à la dernière page. Faire de la Hard-Science, comme on peut appeler le courant de la SF dans lequel se place, ça demande de la crédibilité.

Et cela passe en premier lieu par la façon de dessiner les décors. Pas de soucis de ce côté là, Mathieu Bablet est monstrueusement impressionnant. Son soucis du détail l’amène à produire des espaces qui semblent réels, malgré leur avancée technologique. On pourrait presque scruter à la loupe chaque case, je suis certain que les boulons y sont tous, et qu’ils ont une explication logique quant à leur présence. Bablet n’est pas qu’un penseur, avec Shangri-La. C’est sans doute un capteur. Il capte l’esprit de l’avancée technologique et il nous la restitue. C’est impressionnant.

Aussi impressionnantes que sont ses couleurs… Dès qu’il nous emmène dans l’espace, Bablet donne des milliers de nuances au vide et à l’obscurité. Par ce sens incroyable qu’il a de la mise en lumière. La liberté est là, dans la couleur. A chaque page.

C’est bon, tu as fini?

Je m’arrête là, soit. Shangri-La, c’est un album qui appelle au partage, des ressentis comme des pensées. Ô toi lecteur qui viens ici en ayant lu cet album, n’hésites pas. Qu’as-tu retenu de ce livre? Quel message, quelle trame narrative, t’a le plus marqué? A nous maintenant, lecteur, de faire vivre l’œuvre de Mathieu Bablet. Lui en a terminé avec son travail sublime. Notre temps advient.

ET SI ON DONNE UNE NOTE?

19/20

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Titre: Shangri-la
Auteur: Mathieu Bablet
Editeur: Ankama
Collection: Label 619
Date de publication: Septembre 2016
Prix: 19.90€

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2 réflexions sur “Shangri-La, par Mathieu Bablet, aux éditions Ankama

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