Docteur Strange et Fatalis- Triomphe et Tourments: Venez voir les docteurs!
La sortie, ce jour, du film Doctor Strange de Scott Derrickson chez Marvel Studio, a poussé l’éditeur de comics Panini Comics à proposer une offre éditoriale extrêmement poussée. Pas moins de huit références sur le seul mois d’octobre. Je vous renvois à mon article dans le Zoo n° 62 du mois, pour un topo complet sur cette offre.
En lisant certains de ces albums pour l’article, j’ai découvert Triomphe et Tourment, et j’ai pris une ENORME claque. Voyons en quoi ce « vieux comics » paru en 1989 chez SEMIC est juste un des meilleurs albums de super-héros paru cette année.
Une petite balade en enfer? Divin!
Tous les sorciers du monde ont reçu en même temps le même message mystique. Une épreuve les attend tous, afin de déterminer qui sera le sorcier suprême. Le plus grand des mages de cette réalité. Docteur Strange participe, mais un autre tout aussi célèbre, mais plus infâme, participe aussi: le Docteur Fatalis. Le tyran latvérien maîtrise les arts occultes comme la technologie.
Qui remportera le titre? Quels destins seront chamboulés à jamais?
Oui, Fatalis peut être un personnage grandiose
Le Docteur Fatalis souffre d’un sacré handicap, dans le monde de comics, et qui l’a rendu relativement compliqué à adapter au cinéma. C’est un super-vilain. Un antagoniste désireux de conquérir la Terre, mais qui devra nécessairement échouer pour favoriser la grandeur des héros qui l’affrontent. Ce qui lui confère un côté un peu ridicule qui a du mal à vivre hors du papier.
Et pourtant… L’oeuvre de Roger Stern et Mike Mignola fait ici la démonstration de la grandeur du personnage. A-t-il été un jour mieux exploité que dans Triomphe et Tourments, difficile à dire. Mais guère probable. Parce que cette histoire, dans laquelle le Docteur Strange n’est en fait qu’un observateur actif, et en fait celle de la chute et de la rédemption de Fatalis.
Comment rendre tragique le personnage? Le doter d’une mère ayant vendu son âme au diable pour le protéger. Et faire de Fatalis celui qui veut la délivrer de son tourment. Fatalis et le Docteur Strange contre le diable, pour sauver l’âme de la mère du plus grand super-vilain. Ais-je besoin d’en dire plus pour que vous captiez toute la portée du scénario de Roger Stern?
Une histoire simple, celle d’un enfant qui se bat pour sa mère. Une histoire poignante, qui vous laissera une larme à l’oeil, malgré la face complètement inexpressive du masque de Fatalis.
Le souffle d’un dessinateur en pleine grâce, Mike Mignola
Parce que cette émotion, c’est aussi et surtout grâce à Mike Mignola qu’on la ressent avec autant de force.
L’artiste est aujourd’hui connu pour être le créateur de Hellboy, mais il a commencé comme nombre de ses confrères, à dessiner pour les géants du comic-book américain.
Son trait est encore très éloigné de ce qu’il est désormais, très anguleux, plus cartoony. A l’époque de Triomphe et Tourment, il propose un dessin somme toute réaliste, quoi que déjà virtuose. Réaliste mais pas pointilleux. Mignola capte déjà quelle économie de trait il doit appliquer et quand. La symbolique, le suggéré, compte autant que ce qui est montré. Et cela donne des planches impressionnante. Autant dans le grandiose, dans les scènes de combats dantesques entre Docteur Strange, Fatalis et Méphisto en personne, que dans les moments d’émotion entre Fatalis et sa mère. Il y a une forme d’esthétique romantique, chez Mignola, qui convient fort bien au tragique de la situation.
Ce qui est étonnant, c’est qu’en lisant ce Mike Mignola là, on a le sentiment qu’il a influencé toute une génération d’artistes franco-belges. La génération menée par un Matthieu Lauffray, avec Robin Recht, Timothée Montaigne, me semble clairement dans une forme de filiation, avec leurs styles propres. C’est vous dire si Mike Mignola est un artiste important. Qu’on perçoit parfaitement dans cet album.
Et Doctor Strange dans tout ça?
Parce que bon, c’est un peu son mois, au docteur magique…
On ne l’oublie pas. Ce livre sert aussi à le faire avancer dans son histoire. C’est ici qu’il devient le Sorcier Suprême de notre dimension, ce qui va lui conférer de nombreuses responsabilités toujours en vigueur aujourd’hui. C’est un témoin, mais c’est aussi sans doute l’œil (d’Agamotto, ah ah ah) et la pensée du lecteur dans la quête de Fatalis. Il parle pour nous, lui qui est du côté du bien face au terrible despote. Et puis, en ayant emprunté un chemin similaire au sien, Fatalis vient montrer ce qui aurait pu advenir de Strange, ce qu’il aurait pu devenir si sa prétention et son arrogance avaient perduré.
Aurions-nous eu la grandeur d’âme de Strange, signe que pour ce qui le concerne, le chirurgien prétentieux n’existait plus? Ca ne rend sa position que plus noble.
Triomphes et tourments est une histoire qui met en valeur ses deux personnages principaux. Dans leurs similitudes, comme dans leurs antagonismes.
ET SI ON DONNE UNE NOTE?
18.5/20
Scénariste: Roger Stern
Dessinateur: Mike Mignola
Encreur, coloriste: Mark Badger
Editeur VO: Marvel Comic
Editeur VF: Panini Comics
Date de publication VF: Octobre 2016
Nombre de page: 88
Prix: 26€
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