Série: Le pouvoir des innocents Cycle 2 Car l’enfer est ici
Tome: 4
Scénariste: Luc Brunschwig
Dessinateurs: David Nouhaud, Laurent Hirn, Thomas Priou
Editeur: Futuropolis
Date de publication: Avril 2016
Voilà, il fallait que ça m’arrive. A fréquenter les artistes, que je me retrouve emberlificoté dans mes sentiments personnels. Ce doute que je ressens vient-il de moi ou de l’album? Je vais tâcher de choisir mes mots, de bien assurer mes idées. Et si vous lisez ceci, c’est que je suis arrivé à un résultat satisfaisant à mes yeux et pour ma déontologie.
Joshua Logan se cache. Les autres prisonniers de Ryker sont prêts à lui faire la peau et ils ont lancé une émeute pour ça. Buter celui qui a tué leur idole, Steven Providence, ça leur plairait beaucoup. Mais Jessica Ruppert intervient encore dans sa vie. Avec le gouverneur nouvellement élu McArthur, elle vient gérer directement le conflit au cœur de la prison. Avec de toutes nouvelles règles pour la gestion du lieu, qui vont laisser les prisonniers surpris. Et accentuer encore les tensions à l’encontre de Jessica Ruppert. Un des gardiens de Logan est désormais intégré à un groupe politique qui attend beaucoup de cet homme et du symbole qu’il représente à leurs yeux. Quoi qu’en pense réellement l’ancien militaire. Et pendant ce temps, Dominico, l’homme de main du mafieux Frazzy, tente de sauver Lucy, la jeune femme que son patron a tué.
UNE DENSITE D’INTRIGUES IMPRESSIONNANTE
Pas évident de résumer ce nouveau tome de la série le pouvoir des innocents. D’ailleurs, je réalise que j’ai zappé d’autres éléments importants, comme celui du procès en préparation. Mais chaque personnage a quasiment une intrigue importante à présenter, il fallait bien que je sélectionne.
Luc Brunschwig a tant de choses à dire, dans cette série… Il doit faire le lien avec le cycle d’après, les Enfants de Jessica, dont un premier tome a déjà été publié. Le lecteur sait où ça doit se rejoindre. Mais il doit faire aussi le lien avec le cycle d’avant, et c’est notamment la question du procès qui est traitée. Tout en faisant vivre les personnages spécifiques du cycle 2. Et en n’oubliant pas de continuer à développer le regard porté sur la société américaine.
Un point sur lequel je vais m’attarder en premier. Les évènements se passent en 2001. En début d’année. On assiste à l’élection d’un nouveau président des Etats-Unis, Wyatt Whittaker (W, une lettre importante), porté par le clan familial, visiblement demeuré, et à l’élection violemment contesté. Brunschwig fait comme Jean Van Hamme avant lui sur XIII. Il ne s’embête pas avec des présidents réels, il reconstruit son monde suivant les besoins de son intrigue. Et donc Wyatt devient évidemment une version alternative de Georges W. Bush. Ce qui permet au scénariste de parler aussi des liens douteux entre pouvoir politique et truands, à travers la question du financement des campagnes. Mais surtout, ça annonce le 11 Septembre… Brunschwig avait dit depuis le début que c’était un élément important de sa réflexion, mais je n’y avais plus pensé jusque là. Et je l’attends maintenant de pied ferme. Je me dis que ce n’est pas pour rien qu’on a droit à une intrigue un peu décalée autour du migrant qui devient flic. Le scénariste doit placer ses pions pour que tout prenne sens ensuite. Je trouve dommage, par contre, que la campagne des primaires soit shuntée. Il y a de nombreux enjeux politiques autour de Jessica Ruppert, et on ne les voit pas, on ne comprend pas ce qui se passe. Comme s’il avait fallu couper l’intrigue un peu trop abruptemnt.
Mon vrai gros bémol, autour de cette question, ira aux quelques planches tirées d’un dessin animé parodiant le nouveau président. Ce n’est pas le travail de Thomas Priou qui est en cause, il est très bien dans son genre. Mais je trouve que ça n’apporte rien en l’état. En fait, je ne comprends même pas cette proposition, qui tombe comme un cheveux sur la soupe sans jamais que le procédé n’ait été employé jusque là dans toute l’histoire de la série. Dans Urban, ça fonctionne, là, je ne vois pas l’intérêt.
Ca, c’est pour le meta-discours. Maintenant, revenons à l’intrigue principale, celle qui concerne Joshua Logan. J’ai aimé Le sens que prend cette histoire. Il y a décidément quelque chose de tragique autour de ce personnage. Luc Brunschwig ne le laissera pas finir tranquillement ses jours. Cet homme, si détaché de tout ce qui l’entoure, avec tant de choses qui se jouent autour de lui… Sans même qu’il le sache. Logan est peu présent physiquement, mais le scénariste parvient à le mettre absolument partout. C’est assez impressionnant.
Et donc, restent les personnages de ce second cycle. Qui du coup, avec toute cette pléthore de sujets, de thématiques, sont quand même un peu délaissés, je trouve. L’avocat est presque absent en dehors de la dernière scène. Son compagnon vient faire le fil conducteur à sa place. Dominico et Lucy, qui font quand même la couverture, se retrouvent eux aussi en retrait. Je ne comprends pas comme le scénariste a dosé leur trame narrative dans son scénario global. A quel point sont-ils importants, finalement? Il ne reste plus que deux albums, me semble-t-il, et je manque de visibilité et de compréhension à leur égard. La chute de Frazzy entraînera la chute du Président Whittaker? Le coup de billard à dix bandes, là, je dois dire que j’y suis moins sensible pour une fois.
UN DESSIN QUI DOUTE?
Arrêtons là sur l’histoire et passons au dessin, que, comme d’habitude avec une œuvre de Luc Brunschwig, je traiterai avec moins d’égard et je m’en excuse encore. Ceci dit, j’ai quand même eu des doutes, sur certaines cases. Je pense par exemple à celle où Adam développe ses photos. Je ne sais pas si c’est la couleur rouge de la pièce qui vient renforcer l’effet, mais j’ai l’impression d’un certain flou dans le trait, que je n’avais jamais noté jusque là chez David Nouhaud. Et d’autres cases m’ont fait le même effet. Je m’enthousiasme depuis la sortie du tome 1 sur le travail du dessinateur, mais là, je trouve qu’il marque un pas. J’espère que le tome suivant me détrompera et qu’on retrouvera un dessinateur au top de sa forme.
Voilà, il est temps de conclure. Luc Brunschwig écrit définitivement SON œuvre culte. Une œuvre avec une ampleur dingue. Mais pour la première fois, j’ai eu le sentiment que le scénariste se retrouvait gêné aux entournures. Une quantité incroyable d’intrigues, et plus que deux albums pour en clore la plupart (le cycle trois permettra aussi d’évacuer certaines résolutions, je pense). Est-ce que je me trompe et est-ce qu’au contraire, le scénariste maîtrise parfaitement tous ses fils narratifs de bout en bout, réponse dans le prochain tome, puisse-t-il être aussi passionnant et questionnant.
ET SI ON DONNE UNE NOTE?
17.75/20
Malgré tes bémols, ta note reste très correcte et représentative de mon ressenti … je n’avais pas été aussi loin que toi dans ma réflexion !
Il est vrai que parfois l’encrage est un peu moins précis mais ça reste d’un très haut niveau graphique, cinématographique et de mise en couleur !
Le cycle III compte déjà 2 tomes dont je pense on aurait pu (dû) se passer pour l’instant afin de ne pas dévoiler le futur du II …
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