Super-Dupont tome 1 (Semaine Grands Prix d’Angoulême)

Série : Super-Dupont

Tome : 1

Scénaristes : Gotlib, Jacques Lob

Dessinateurs : Gotlib, Alexis

Editeur : Fluide Glacial

Date de publication : Janvier 1993

 

Dans notre découverte des Grand Prix d’Angoulême, arrêtons-nous donc un instant sur une œuvre qui a refait parler d’elle récemment, Super-Dupont, par le Grand Primé Jacques Lob en tant que co-scénariste. Jean-Marie Le Pen, et plus récemment Alain Soral , ont prit au sérieux tous deux cette caricature dénonçant l’anti-France. Nous allons donc décortiquer un peu le propos de ce personnage.

Il est l’incarnation du Génie Français, de la grandeur de notre pays. C’est un héros, un super-héros. Et Super-Dupont est son nom. Lorsque la France est mise à mal, il répond sans aucune hésitation présent. Un coup de fil du Président de la République, et le voilà au garde à vous pour servir notre pays. Car de mystérieux agents veulent nuire aux intérêts de notre grand peuple, et Super-Dupont ne saurait le tolérer !

Ce sont trois histoires qui nous sont proposées là, parues initialement dans Fluide Glacial. Lob et Gotlib sont les premiers papas du personnage, l’homme à la coccinelle assurant la mis en image aux côtés de son compère scénariste. Et puis Alexis est venu prendre le relais, pour donner une touteautre orientation au titre.  Gotlib est dans l’humour pur. On retrouve son dessin des dingodossiers, il est sans surprise. Mais un peu limité pour le genre, me semble-t-il. Ou pour le potentiel du personnage. Gotlib est drôle, fidèle à lui-même, mais Alexis a su donner une profondeur différente au personnage. Le ton est tout à fait différent. Gotlib est dans la pure caricature, Alexis, lui, est beaucoup plus dans un style réaliste qui brouille un peu les cartes quant au propos développé par les deux scénaristes. Ceci dit, les dessinateurs partagent un point commun, le désir évident de proposer un dessin hommage à la bande dessinée américaine. Il y a un peu de Kirby, dans certaines pages de Gotlib, et l’influence est encore plus marquante dans le dernier chapitre, avec le Mètre-Etalon. Les codes graphiques du comic-book sont présents, indéniablement. Après tout, quitte à faire une bd de super-héros, autant pasticher les références. A noter qu’Alexis mourut rapidement, ce qui est un vrai drame. Son trait fin, élégant et puissant, avait largement de quoi percer et faire de lui une référence de la bd franco-belge. Quelle pitié…

Mais donc, je vous le disais, il se pose quand même la question du fond. L’extrême-droite française a tenté par deux fois de s’approprier le héros combattant l’anti-France. Pourtant, via l’anti-France, c’est évidemment nous qui sommes ciblés. Les agents ennemis parlent avec de multiples langues, toutes en même temps. Ce que j’interprète moi comme une référence à notre capacité incroyable à nous faire des ennemis par le passé. Avec quel voisin n’avons-nous pas été en guerre ? Pour l’Allemagne, c’est évident, mais même l’Angleterre, au XIXe siècle encore, était un ennemi. Relisez le singe de Hartlepool pour vous remémorer nos rapports peu cordiaux. Ainsi donc, pour moi Lob et Gotlib interrogent surtout la prétention française, ce sentiment de grandeur, qui nous a amené à nous mettre l’Europe à dos à de nombreuses reprises. Et bien évidemment, pour qui lit ne serait-ce qu’une seule histoire de Super-Dupont, il est clair que le personnage ridiculise les français et leurs grands traits de caractère. Alors forcément, si on en reste au concept du super-héros patriotique combattant l’anti-France, on peut se tromper. Mais cela ne résiste pas à la lecture du bouquin.

Justement, après lecture, je me dis que j’aurai aimé lire aussi quelques références positives sur la France. Pas seulement sa capacité à soudoyer les dirigeants politiques africains. J’irai donc lire les tomes suivants pour voir si Lob reste dans la dénonciation à la Hexagone de Renaud, ou s’il va un peu plus loin.

16/20