Série : Elixirs
Tome : 3
Titre : Le souffle du Néant
Scénariste : Christophe Arleston
Dessinateur : Alberto Varanda
Coloristes : Nolwenn Lebreton, Jérôme Maffre
Editeur : Soleil
Date de publication : Novembre 2013
Un album d’Alberto Varanda, enfin ! Cet artiste, qui fait parti de mes dessinateurs préférés, est incroyablement talentueux, mais il lui faut du temps pour produire ses planches. La sortie d’un nouvel album récompense donc toujours une belle patience, surtout que le vil abreuve ses lecteurs de croquis et dessins préparatoires tout au long de l’avancée de l’album, et que l’on sait donc la claque graphique qu’on s’apprête à prendre. Mais finalement, vous allez voir que ce n’est pas tout fait ce que j’attendais…
La déesse Algane, sous la forme d’un petit animal, a donc rassemblé un groupe hétéroclite pour lutter contre son frère, l’infâme Olkas, qui souhaite annihiler le monde pour en créer un nouveau sous sa coupe. Mais bien trop disparate, cette assemblée menace de céder. Imaginez donc que sont rassemblés une princesse prétentieuse, sa garde du corps obéissante, un cuisinier bien en chair, et un drôle un peu leste possédé par un démon. Difficile de faire cohabiter tout ce petit monde. Surtout à cause de la princesse qui finalement, ne voit pas trop ce qu’elle fait dans cette galère. Pardon, dans ce bateau-université. Alors à la première occasion, elle fait en sorte de mobiliser les gardes de l’Empereur, et de faire mettre Tolriq et Föfnir au cachot pour l’avoir enlevé. Autrement dit, la quête pour sauver le monde est fort mal en point…
Intéressante, cette tonalité que donne Christophe Arleston sur ce troisième tome. Je dois dire que j’aime beaucoup ce second degré qu’il instille, ce petit côté « soyons sérieux, le groupe d’aventuriers ça ne marchera jamais ». Un joli pied de nez à toute la fantasy et à tout l’univers du jeu de rôle. Il prend son personnage de Murmillia au premier degré, et c’est particulièrement savoureux. Il fait exprès de ne pas supprimer les obstacles que les héros surpassent d’habitude avec facilité et évidence. Paradoxalement, on gagne en crédibilité. Oui, même dans un monde instable où la réalité est fixée par de la magie, on peut gagner en crédibilité, la preuve par Arleston. Alors évidemment, on se doute que la déesse Algane a ses raisons pour avoir rassemblé un tel groupe, qu’à la fin, ils devraient s’en sortir face au dieu destructeur, mais il faut bien reconnaître au scénariste spécialiste de Fantasy, qu’il parvient fort bien à se renouveler et à nous surprendre. On ne sait pas ce qui va se passer, comment les personnages vont pouvoir avancer, et c’est particulièrement agréable.
Et pour soutenir ce scénario original, il y a un grand Alberto Varanda. Mais l’artiste est à mon sens en pleine mutation, sur cet album. Il est brillant pour ce qui est de mettre en scène un monde, ses civilisations, ça, on le sait. Cette fois-ci encore, il excelle. J’ai en tête une case, une vue en profondeur d‘une ruelle de la capitale, où tous les bâtiments sont détaillés, jusqu’au fond du plan. C’est un travail de titan, qui donne une richesse à ce monde, impressionnante. Certaines planches sont construites avec un décor en fond, sur lequel sont posées ensuite les cases de dialogues (comme une scène de théâtre, d’une certaine manière), décor impressionnant. Comme le dit un fan d’Alberto, même les feuilles d’arbres au dixième plan sont travaillées et réussies. On n’est pas loin de ça. Mais tout ça, on le sait déjà. Ce qui est beaucoup plus intéressant, c’est que sur les personnages, on constate du progrès dans le dessin, entre la première et la dernière planche. Je définirai cela comme l’acquisition d’un relief, d’une densité, qui ne serait pas due à la couleur mais à la façon dont le crayon est manipulé. Alberto n’encre plus ses planches, il pousse ses crayonnés. Regardez donc ses visages, sur la fin de l’album. Ils sont légèrement hachurés, ce qu’ils ne sont pas au tout début. Et je dois dire qu’ils gagnent en expressivité, en volume. C’est, me semble-t-il, encore une nouvelle ouverture pour le dessinateur. Puisse-t-il au moins conserver cette avancée, si appréciable, et qui pourrait bien lui faire gagner encore en finesse dans son identité graphique.
A noter aussi, une belle évolution de la mise en couleur, qui gagne elle aussi en profondeur en et nuance. Je crois que l’arrivée de Jérôme Maffre n’y est pas pour rien. Il propose un travail beaucoup plus sensible, sur lequel on apprécie de s’attarder. Sans écraser le dessin, il impose clairement sa patte, un style très différent et très intéressant.
Un dessin brillant, un scénario peu conventionnel, Elixirs 3 s’avère l’album de la maturité pour le duo d’auteurs. Comme s’ils s’étaient enfin trouvés, comme si le ton juste avait enfin émergé. Reste maintenant à attendre, ô fans habitués que nous sommes. Mais d’ici là, croyez bien que je vais retourner regarder mon album. Surtout à Noël, lorsque je recevrai ma version Noir et Blanc que le père noel va gentiment m’apporter. Une belle claque s’annonce…
Pfff, le 10ème plan, vous ne regardez pas assez loin…
J’ai acheté directement la version N&B, mais c’est vrai que la mise en couleur est plutôt réussie et parvient à garder l’essence du crayonné. Mais bon, j’ai quand même comparé les deux et pour moi y’a pas photo, la version N&B en grand format est autrement plus attractive !
T’as vu, t’es dans l’article ^^
Je crois que le papa noël va me l’emmener ce noir et blanc. J’ai hâte de le lire, je sais que ça va être une expérience énorme….
Comme on dit sur visagelivre, « j’aime ».
Pour ma part, j’ai revendu les deux premiers tomes !
C’est dommage….
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J’ai toujours trouvé que le dessin de Varanda était mangé par la couleur. Par contre en noir et blanc, c’est juste grandiose !
sur les deux précédents tomes c’était vrai, ça l’est beaucoup moins sur celui-ci. Même si ma version nb est en effet sublime.