Série: Blanco
Tome: 1
Auteur: Jirô Taniguchi
Editeur VF: Casterman
Collection: Sakka
Date de publication VF: 2009
Tiens, mais il me reste encore du bon Taniguchi à vous proposer? Au delà des œuvres intimistes comme Le journal de mon père ou Quartier Lointain, l’auteur japonais aime toucher à tous les styles. Du western, du contemplatif, de la science-fiction, il est prêt à tout aborder. Dans le cas présent, c’est une carte du monde qui va faire naître une image en lui, et faire apparaître le chien Blanco, courant dans la neige. A votre tour de prendre part au voyage.
Le détroit de Béring est entièrement prit par les glaces, certains hivers. C’est par là qu’un chien blanc passe d’Asie en Amérique. Ce chien court sans s’arrêter, comme prit d’une volonté farouche. Comme si lui savait qu’il devait se rendre à un endroit très précis. Mais cet anomal n’est pas comme les autres. Capable de tuer un ours à lui seul, il laisse une traînée de carnages sur son chemin. Rien ne doit l’arrêter. Les braconniers de cette région de l’Alaska vont payer le prix fort pour cette rencontre. Mais des militaires sont envoyés sur place afin d’arrêter ce chien, fruit d’expérimentations interdites. Un secret militaire qui ne doit surtout pas tomber entre les mains des américains ou des canadiens.
Je n’aurai qu’un reproche à faire à l’auteur sur cet ouvrage: pourquoi ne donne-t-il pas un nom réel au pays qui a créé Blanco? On dirait qu’il ne veut froisser personne, qu’il ne veut pas se mouiller. Alors il invente un pays et voilà pour l’origine de Blanco. Quel dommage… Pourquoi ne pas oser donner des visages aux « méchants » de cette histoire? On les soupçonne issus d’un pays soviétique, alors pourquoi ne pas sauter le pas et dire directement que c’est l’URSS dont il serait éventuellement question? Moi, je le regrette. Mais ceci dit, ça n’enlève rien à la grandeur de cette histoire, course poursuite pleine d’humanité. Blanco est un personnage à part entière, un héros tragique qui nous emporte avec lui presque dès les premières pages. Taniguchi magnifie l’image du chien et les humains ont bien du mal à s’avérer à la hauteur. Au contraire, le mangaka les montre ignorants, primaires, ou bien manipulateurs et sans morale. Une critique acerbe des armées du monde entier et de leur course aux armements. Pour le mangaka, le militaire dans sa généralité mène à la privation des droits essentiels. On sent l’homme marqué par l’histoire de son propre pays. Et il fait la part belle à la science « civile », celle qui comprend sans manipuler. D’ailleurs, en opposition aussi aux croyances ancestrales. Car ce chien est aussi poursuivi pour être l’incarnation supposée d’une force de la nature négative. Alors que Taniguchi met juste en scène une victime à quatre pattes, qui entend retrouver les siens.
Grande qualité du dessin, aussi. On sait l’homme passionné par les décors hivernaux, ce premier tome ne fait pas exception. D’ailleurs, c’est la première image qui est venue à l’auteur, un chien blanc courant dans la neige. C’est détaillé, précis; impressionnant. De même que le dynamisme des scènes où Blanco se met en mouvement. Sans abuser des codes du manga, en les exploitants discrètement, Taniguchi insuffle une véritable puissance à ces pages là.
Une histoire touchante, passionnante, bien dessinée… Que vous faut-il de plus? Ce premier tome fait partie des belles réussites du plus européen des mangakas.